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Littérature


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2010 02 Renaissance

Par Marc Rugani

RENAISSANCE
 
Je m’appelle Galiléo Galiléi, fils de Vincenzo Galiléi et de Giulia Ammannati di Pescia. Que Dieu soit miséricordieux pour mes chers père et mère, qu’Il les garde près de Lui pour l’Eternité. Oh, ils me manquent tant depuis qu’ils sont montés au Ciel ! Il n’y a pas un jour qui se lève et se couche au firmament sans que je pense à eux et me souvienne du chant et de la douce musique de père !
Bientôt, j’irai les rejoindre, car je suis vieux et fatigué : j’ai 69 ans- tant d’années depuis que mamma cara m’a mis au monde le 15 février de l’an 1564 dans la belle ville de  Pise !- mes os me font mal et mes yeux ne distinguent presque plus la lumière que l’astre solaire nous envoie.
Et je me sens plus vieux encore depuis le jour affreux où l’Eglise m’a condamné, m’obligeant à renier tout ce à quoi je crois : la Vérité, et à dire le contraire de ce qui est, à reconnaître que j’étais dans l’erreur et l’hérésie.
Moi dans l’erreur ! Alors que tout ce que j’affirme est vrai !
Moi hérétique ! Alors que ma foi en Dieu et mon amour de mon Seigneur Jésus et de tous les Saints n’ont jamais failli!
Oh, comme je suis fatigué !
 
J’ai été et suis toujours un grand savant- oui, c’est la vérité- unanimement reconnu, même du Pape et de l’Eglise, jusqu’à ce jour maudit….. !
Ma vie qui va arriver à son terme bientôt, je le sens, peut se résumer en quelques mots : j’ai enseigné- pour vivre et élever ma famille- j’ai cherché à élucider les secrets du monde- quelques uns seulement, il y en a tellement !- et j’ai publié, voilà, c’est tout : à la fois beaucoup et si peu !
C’est l’université de Pise qui m’a accueilli pour mes débuts- en mathématiques- puis celle de Padoue- en mécanique appliquée, mathématiques, astronomie et architecture militaire- puis à nouveau Pise où j’ai été nommé- j’en ai été très fier- Premier Mathématicien de l’université et Premier Mathématicien et Premier Philosophe du Grand Duc de Toscane, puis consul de l’Académia Fiorentina. Mes cours ont été très suivis, mon enseignement très recherché, j’ai eu beaucoup de succès : oui, c’est la vérité aussi ! J’ai transmis à mes élèves du mieux que j’ai pu et avec l’aide de Dieu- que tous les jours je prie, saint est son Nom- toutes mes connaissances tirées tant de l’expérience de mes prédécesseurs et des savants d’aujourd’hui que de mes propres découvertes, j’ai essayé de leur communiquer ma passion pour la recherche et ma quête du savoir. Ai-je réussi ? Je l’espère.
J’ai fait des découvertes importantes sur le centre de gravité de certains solides, l’oscillation des pendules, la cycloïde, le compas de proportion, la pompe à eau, ainsi que sur la loi du mouvement uniformément accéléré, le thermoscope et le microscope. Tout cela, oui ! Mais en fait bien peu de choses au regard des innombrables sujets de recherche qu’offrent notre Terre et tous les Cieux!
J’ai aussi amélioré et perfectionné- c’est peut-être là mon chef d’œuvre- la lunette astronomique de Lippershey, 20 fois plus puissante et d’une qualité optique bien supérieure ! Ah, quelle aventure extraordinaire fut pour moi cette lunette, et que de découvertes éblouissantes elle m’a permis de faire! Je me souviens de ma démonstration au sommet du campanile de la place St Marc de Venise, devant tout le sénat : triomphale ! Oh, quel grand jour ! Puis à la cour de Toscane, avec le même succès ! Sont-ce pêchés d’orgueil d’avoir joui si intensément de ces moments ? Dieu décidera dans sa sagesse et toute sa clairvoyance! J’ai découvert les montagnes de la Lune, la nature de la Voie lactée, les taches solaires, les satellites de Jupiter, les phases de Vénus, la détermination des longitudes par l’observation des satellites de Jupiter. Tout cela aussi, oui !
J’ai publié de nombreux ouvrages, dont certains eurent un retentissement considérable, notamment un traité de mécanique, le « Sidereus Nuncius » sur mes découvertes concernant le ciel, le soleil, les planètes et les étoiles, que mon ami Descartes a traduit en Français par « Messager céleste », le « Saggiatore » et puis le trop fameux « Dialogo » sur les deux grands systèmes du monde qui a été l’instrument de ma perte !
Oh, comme je me rends compte maintenant combien j’ai été dans cette affaire orgueilleux, borné, trop sûr de mes succès passés, de mes appuis politiques et religieux, imbu de moi-même, fat en somme ; ce qui m’est arrivé est mérité ; j’aurais dû montrer plus d’habileté, modérer mes propos, ménager davantage mes ennemis et surtout tous ceux qui étaient dans le doute, ne savaient quoi penser ni où était la vérité. Dieu m’a puni de mon orgueil !
Mon « Dialogo » était un dialogue médiocre, orienté, d’un parti pris si manifeste, je m’en rends compte maintenant, mais hélas trop tard ! Et le Pape, dont j’étais l’ami et qui me faisait confiance, s’est senti trahi ! J’ai perdu ! C’est de ma faute, entièrement !
Pourtant Copernic a raison! Moi aussi j’ai raison! Et Aristote a tort ! Entièrement ! Le système géocentrique est faux ! La vérité, c’est que la Terre est ronde, que les planètes tournent autour du Soleil, et que la Terre n’est pas le centre du monde !
Mais je dois me taire.
Déjà il y a 17 ans - c’était les 25 et 26 février de l’année 1616, deux journées qui furent horribles pour moi et tout le monde savant- le Saint Office avait condamné la théorie copernicienne- dont j’étais un ardent partisan- en niant sa réalité, et l’avait reléguée à une simple hypothèse ; l’arrêté de condamnation valait pour toute la chrétienté !
Et depuis le 22 juin de la présente année 1633, il y a un mois jour pour jour, en ma soixante neuvième année, le Saint Office a interdit mon ouvrage « Dialogo » et m’a condamné à la prison à vie, après m’avoir fait abjurer toutes mes idées et mes certitudes. Oh, l’abominable journée !
J’ai eu si peur, tellement ! Ils me menaçaient de la torture, de me briser les os, de déchirer et de brûler mes chairs! Je savais que je n’aurais pu le supporter ! D’ailleurs quel supplicié peut résister aux souffrances infligées par les bourreaux, qu’ils savent renouveler et amplifier avec art au long des minutes, des heures et des jours jusqu’à l’aveu final et l’abandon total, ou la mort ?
J’ai abjuré !
Toutes mes certitudes scientifiques, je les ai reniées; toutes mes années d’étude et de recherche, toutes mes expérimentations, les preuves accumulées, les miennes et celles de Copernic, de Kepler et de tous les autres, balayées, rayées, réduites à néant !
Et j’ai prononcé l’affreuse formule que le Saint Office avait préparée pour ma comparution devant le Tribunal de Dieu, la voici, je n’ai pas changé un mot :
« Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante neuf ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Evangiles, jure que j’ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l’aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Eglise Catholique et Apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j’avais été condamné par injonction du Saint Office d’abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n’est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit ; et après avoir été averti que cette doctrine n’est pas conforme à ce que disent les Saintes Ecritures , j’ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière ; ce pour quoi j’ai été tenu pour hautement suspect d’hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et sans mouvement, et que la Terre n’est pas le centre, et se meut… »
Oh, affreux souvenir ! Comme j’ai honte de ma lâcheté et de ma peur ! Mon reniement me hante l’esprit et m’oppresse chaque jour !
Et comme depuis je me sens vieux et fatigué ! Et ma vue qui décline chaque jour ! Souvent j’aimerais mourir.
Heureusement le Pape, dans sa grande mansuétude, s’est montré bon pour moi, qui a commué ma peine en résidence à vie ; j’ai échappé à la prison, aux cachots sinistres du Saint Office, et c’est désormais à Sienne chez l’archevêque Piccolomini que je demeure.
Heureusement aussi mes amis sont fidèles et ne m’abandonnent pas, ni les savants d’Europe dont beaucoup m’ont manifesté leur soutien.
Ainsi Kepler dont j’ai reçu une lettre aujourd’hui.   
Sa lettre est étrange, mais ne me surprend qu’à demi ; Kepler est un grand savant, qui a mon respect et toute ma considération, mais il croit à l’astrologie ! A plusieurs reprises il m’a entretenu avec passion de ce sujet en espérant me convaincre. Comment peut-il admettre de telles fadaises et balivernes- qui choquent au-delà de toute mesure mon esprit d’homme de sciences- l’influence des signes zodiacaux, du Soleil, de la Lune, de Vénus et des autres planètes, de l’Ascendant et de toute la machinerie astrologique ? Lui qui par ailleurs montre tant de rigueur dans ses analyses, et un esprit si critique et profond en matière scientifique ! Cela demeure pour moi un grand mystère ! 
Sa lettre est un long message de trois pages de belle calligraphie; il m’y manifeste chaleureusement son soutien et ses encouragements, et m’annonce plusieurs choses très surprenantes qu’il aurait décryptées lors de ses récents travaux astrologiques ; voilà ce qu’il en est : 
« Cher ami, je connais votre scepticisme à l’égard de certaines de mes idées, mais j’ai lu dans les astres, en dressant ces derniers jours plusieurs thèmes astraux, dont le vôtre, que des influences très favorables viendraient modifier fort sensiblement et définitivement la situation malheureuse dans laquelle vous vous trouvez.
Il s’agit d’évènements à très long terme, puisque ce sont les planètes à révolution lente qui sont en jeu, Jupiter et Saturne.
Mais avant d’aborder ces influences, je tiens à vous donner cette nouvelle extraordinaire : le Ciel serait plus habité de planètes qu’il n’y paraît aujourd’hui ! Oui, cela va vous étonner, cher ami, mais sauf erreurs d’interprétation de ma part- que j’ai rendues très improbables car je me suis entouré de mille précautions et j’ai vérifié autant de fois mes calculs- nos successeurs astronomes découvriront probablement au moins trois nouvelles planètes, très éloignées du Soleil mais tournant autour comme les autres ! Je sais que d’écrire de telles choses est dangereux, mais je puis le faire à moindre risque que vous, étant plus éloigné de Rome et du Saint Office. Je ne suis pas très sûr du nom qu’elles porteront- les interprétations ne sont pas toujours aisées- mais je vous les donne tels que j’ai pu les déchiffrer : Uranus, Neptune et Pluton. Etonnant, vous ne trouvez-pas ? Trois planètes supplémentaires dans le Ciel, au-delà de l’orbite de Saturne ! Je vous laisse imaginer la joie et l’enthousiasme extraordinaires qui m’ont habité lorsque le zodiaque m’a délivré son message! Trois planètes en plus autour du Soleil, soit, hors la Lune qui fait sa révérence à la Terre, neuf au total dansant leur ronde dans le ciel en l’honneur de l’astre du jour! Quelle révolution ! Oh, cher ami, dites-moi vite votre avis, j’y tiens beaucoup, aussi rapidement que vous le pourrez, en prenant toutes les précautions qui s’imposent compte tenu des circonstances, j’ai une si grande hâte de recevoir votre lettre !
J’ai lu également, cher ami, une nouvelle aussi immense que celle que je viens de vous donner, et qui va vous combler de joie, à savoir que les théories héliocentriques de Copernic qui vous sont si chères allaient être enfin reconnues et renaître ! Oui, je vous l’assure ! Je l’ai lu très clairement, le doute était impossible! Une reconnaissance totale, de tous, même de l’Eglise et du Pape ! Une renaissance complète de vos idées ainsi destinées à rayonner bientôt sur toute la Terre ! Certes, de longues années seront nécessaires pour que ce jour arrive- comme je l’ai écrit précédemment, les prévisions mettent en jeu les planètes lentes Jupiter et Saturne, les échéances sont donc lointaines- mais il arrivera, je vous le certifie! Ni moi ni vous hélas ne vivrons suffisamment pour voir cet évènement et en jouir, mais de savoir qu’il surviendra procure déjà une si grande joie ! Tout votre travail, toutes vos études et toutes vos découvertes s’en trouvent justifiés ! Comme je me réjouis pour vous, cher ami ! Et comme je me réjouis aussi pour tout le monde savant, car enfin la Vérité va éclater et éclairer le Monde !
Enfin au cours de mes travaux d’interprétation un mot mystérieux, « Galiléo », est apparu, qui ne peut être qu’en rapport avec vous, c’est pourquoi je vous en fais part; je n’ai rien pu discerner au-delà de ce mot, déchiffrer quoique ce soit à son propos ni ce qu’il représentait, juste une date, très lointaine, du 3ème millénaire : 2014. C’est tout ce que je peux en dire.
Quoiqu’il en soit, tout ce que les astres m’ont révélé vous est éminemment favorable, et je m’en réjouis. Et je suis immensément heureux que ma lettre puisse vous l’apprendre.
Cher ami, faites-moi confiance je vous en prie, et croyez à la véracité de mes prévisions : vos idées vont renaître, la vérité héliocentrique va enfin être reconnue ! »
Voilà ce que Kepler m’a écrit.
Je ne crois pas à l’astrologie, mais sa lettre m’a bouleversé. Oh, si seulement Kepler pouvait avoir raison ! Si ses prévisions pouvaient s’avérer justes! Si l’avenir pouvait être comme Kepler le voit dans son zodiaque et les transits de ses planètes! Je tiendrais ma revanche, mes idées et celles de Copernic renaîtraient de leurs cendres et triompheraient, elles seraient définitivement reconnues pour vraies, comme ce serait merveilleux !
Après avoir vécu ces jours si sombres et souffert l’horrible agonie de mon esprit, j’ai l’impression de renaître moi aussi, de revivre intensément, avec une folle espérance au cœur.
Oh, oui, Kepler a certainement raison ! Dieu est juste et bon, il m’a absout de mes pêchés d’orgueil ! Je n’ai pas perdu, je vais gagner, mes idées vont renaître, la Vérité va triompher !