Le lombric
Lors de ma promenade ce matin j’ai failli marcher sur un lombric.
Cet animal que je trouve fort sympathique
Pour vouloir faire de la terre
Où il demeure un immense gruyère
Traversait le chemin de ses reptations élastiques
Aussi vite qu’il le pouvait : il allait bien lentement !
Tout occupé à admirer le ciel, je l’ai vu au dernier moment
C’est qu’il se déplaçait silencieusement !
De belle taille, il était rond et d’un rouge éclatant.
Que faisait là ce ver ?
C’est un bien grand mystère
Car d’habitude ces animaux ne sortent guère
Ni en plein jour ni de leurs trous de terre.
Ce ne sont pas des vagabonds.
Et ils ont bien raison
Car au dehors les guettent dans les airs
Voraces des animaux à plumes dotés d’un méchant bec
Qui les dégustent sec.
Ils ont pour nom Corbeau- aussi noir que charbon-
Ou Corneille, c’est selon
Et Pie- aux deux couleurs-
Qui à la chasse sont loin d’être amateurs.
Ces deux oiseaux sont de vrais tueurs
-Des drôles d’oiseaux, je vous assure-
Qui des vers font leur pâture.
Ils s’en régalent d’un coup de bec tranchant, comme un ciseau
Les découpant en quatre, en six, en petits morceaux
Puis les gobant presto.
Et quand au printemps de leurs amours naissent des petits
A tire d’ailes ils les apportent au nid
Ainsi tout tronçonnés, tout préparés
Aux affamés goulus pour être dégustés !
Bien qu’elles fréquentent nos villes et le voisinage
De nos maisons, Corneilles et Pies sont demeurées des bêtes sauvages
Qui chassent et tuent comme nous humains aux Premiers Ages.
Aujourd’hui il paraitrait que nous agirions bien autrement et à notre avantage
Car nous ferions de l’élevage.
Mais c’est un grand mensonge, et cent fois pire nous faisons
Car lorsque le bœuf ou le mouton
Ayant brouté paisiblement leur pré, le poulet ou le cochon
Sont bien dodus, bien engraissés, bien ronds
Aussitôt sans hésiter nous les tuons.
Hypocritement avant on les insémine
Pour qu’ils soient plus nombreux plus gros plus vite, on les vaccine
On les gave et les chouchoute jusqu’à les baptiser de tendres noms
« Marguerite », « Blanquette » ou « Pompon »
Puis on les assassine !
Même les petits encore à la tétine
Veaux, porcelets, agneaux !
Alors une fois pendus aux crocs
Avec dextérité on les découpe à la scie ou au couteau
En tranches, en filets, en gigots
On les mixe, on les broie pour au four ou au chaudron
A la broche ou à la poêle leur assurer une bonne cuisson
Pour qu’ils remplissent nos assiettes et nos bedons !
Sans états d’âme et sans remords nous en faisons des boulettes
Des pâtés et pour nos chiens des croquettes !
Les pieds, le foie, la cervelle, la tête
La peau, tout y passe, rien ne reste !
Nous sommes en fait comme ces oiseaux des tueurs
Mais bien moins qu’eux des amateurs
Car tout par nous est planifié, organisé et calculé
-C’est une vraie industrie- pour tuer et pour manger.
Et ce massacre a pris de gigantesques proportions maintenant
Que nous sommes 6 milliards d’habitants
Telles que pour assurer toutes nos ripailles, sans fin
Chaque jour et en tous lieux coulent sur la terre des rivières de sang
De tous ces animaux morts que l’homme pour assouvir sa faim
A tués.
Voilà ce à quoi j’ai pensé
En voyant le ver traverser.
J’ai fait un écart pour ne pas l’écraser.
Je n’aurais point voulu que mon lombric
Se transforme soudain en un éclat rouge magnifique.
Je l’ai pris délicatement
-Il protestait en gigotant dans tous les sens- et doucement
Je l’ai posé dans l’herbe verte où
Vite Il irait faire son trou.
Et je lui ai dit silencieusement: « Ami lombric, fais attention !
Ne vas pas n’importe où avec tes reptations !
Dehors il y a des prédateurs
Qui veulent te manger, des oiseaux tueurs ! »
Je suis resté avec le ver
Jusqu’à ce qu’il entre dans son abri de terre.
Puis j’ai continué mon chemin tranquillement
En regardant où je mettais mes pieds, très soigneusement.