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Poésies


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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38 Aux trois Magots

Par Marc Rugani

Aux trois Magots
 
Je suis entré aux Trois Magots
Pour m’asseoir en terrasse prendre un verre de Porto
Car au dehors l’air n’était pas chaud
En ce dimanche, tout juste un peu au-dessus de zéro.
 
Les trois gros
Perchés contemplaient placidement le bistro,
Ils m’ont laissé faire et n’ont dit aucun mot.
Sans vouloir les offenser, je leur ai tourné le dos
Pour regarder passer les autos
Les motos
Les vélos
Du boulevard et aussi les badauds.
 
Non loin sur son socle le regard vers le ciel Diderot
Un pigeon sur la tête, méditait pensant « au Grand Rouleau »
Tournant comme carrousel là haut.
Et sous sa toque de neige Bernard Palissy dans son clos
Veillé de quelques marginaux
Réfléchissait aussi à son œuvre, céramiques et émaux.
 
Au porche de l’église St Germain un soûlaud
Tremblant de froid et de tord-boyaux
Tendait sa sébile qui semblait un fardeau ;
Les touristes heureux tiraient photos sur photos
Quelques jeunes faisaient les zigotos.
 
 
Pendant que je regardais ainsi à travers mon hublot
Dans ce lieu parisien sont entrés un vendeur de journaux
-Invendus- ressorti aussitôt
Puis des femmes portant chic de longs vêtements de peau
Vison, chinchilla, marmotte ou veau
Et leurs hommes- beaux
Costauds
Ou falots
C’était selon ; parmi elles une virago
Bien typée remarquée et une ribambelle de loupiots.
 
Illico, dans un style très pro
Les garçons ont servi les boissons : lait chaud
Chocolat chaud
Vin chaud
A la demande, et des gâteaux
Joliment décorés par la main du cuistot
Rarement de l’eau
Une fois un Pinot
En carafe et en pot
Sur de grands plateaux.
 
A ma gauche une jeune fille s’enflammait d’un roman en photos
A ma droite, mon voisin, plus sérieux, intello
S’interrogeait sur le sens de sa vie dans un livre de philo ;
Un gigolo
Deux travelos- drôles d’oiseaux-
Et plusieurs tourtereaux
Complétaient le tableau.
En ce lieu recherché et clos
Comme à Babel se parlaient bien des langues, l’argot
Et même l’Espéranto
Je crois, auxquelles hélas n’a rien compris mon cerveau.
 
Une heure passée chrono
En cet endroit douillet, j’ai repris à regret mon manteau
Mon chapeau
Mes gants et mon écharpe en poil de chameau ;
J’ai laissé en pourboire quelques centimes d’euro
Puis j’ai quitté les trois gros
Obèses toujours perchés placidement du bistro.
 
Avec un frisson je me suis jeté dans l’air très peu chaud
Du dehors- un ou deux degrés au dessus du zéro,
La neige fondait encore aux caniveaux-
Pour prendre la direction du métro.
Passant devant Palissy et Diderot
Immobiles de froid, je leur ai promis de venir bientôt
Au printemps les saluer à nouveau
Et boire à l’heure où l’on prend l’apéro
Un alcool un peu fort en la compagnie des Magots.