Mon nez
« Il a le nez de sa mère ! »
Voilà comment tous d’une même voix ils s’exclamèrent
Docteurs, sages-femmes et infirmières
Lorsqu’ils me virent né, nu comme un ver.
Oui, j’ai le nez de ma mère.
C’est ainsi que je suis venu sur Terre
Mais à dire vrai il n’est pas celui que je préfère ;
De mes parents aimés, j’aurais voulu porter le nez de mon père
Pour son allure plus altière.
Mieux choyés par le destin, mes frères
Ont hérité de son organe fier.
Le mien, je le trouve ordinaire
De peu de caractère
Mais je n’y peux rien faire
Sauf- mais l’idée ne me tente guère-
D’aller en chirurgie pour qu’on m’opère.
Toutefois mon appendice nasal n’est point calvaire
Ni même misère
Ni fait de moi un pauvre hère
Qui se lamente sans fin et désespère
Lançant ses bras au ciel et ses prières.
S’il n’est le paradis, mon nez n’est pas non plus l’enfer !
Ainsi donc, et sans intention suicidaire
Ni maintenant ni davantage demain j’espère
Je porterai le nez de ma mère
Dont je suis le seul dépositaire
Du premier cri jusqu’à mon heure et ma demeure dernières
-« Requiescat in pace »- au cimetière.