La flûte (extraits)
« Un jour, je vis s’asseoir, au pied de ce grand arbre,
Un pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre
Son sac et son chapeau, s’empressa d’achever
Un morceau de pain noir, puis se mit à rêver.
Il paraissait chercher dans les longues allées
Quelqu’un pour écouter ses chansons désolées ;
Il suivait à regret la trace des passants
Rares et qui, pressés, s’en allaient en tous sens.
Avec eux s’enfuyait l’aumône disparue,
Prix douteux d’un lit dur en quelque étroite rue
Et d’un amer souper dans un logis malsain…. »
Le Mont des Oliviers (extraits)
« Alors il était nuit, Et Jésus marchait seul,
Vêtu de blanc ainsi qu’un mort de son linceul ;
Les disciples dormaient au pied de la colline….
…Connaissant les rochers mieux qu’un sentier uni,
Il s’arrête en un lieu nommé Gethsémani.
Il se courbe à genoux, le front contre la terre,
Puis regarde le ciel en appelant : « Mon père ! »
Mais le ciel reste noir, et Dieu ne répond pas.
Il se lève étonné, marche encore à grands pas,
Froissant les oliviers qui tremblent. Froide et lente
Découle de sa tête une sueur sanglante.
Il recule, il descend, il crie avec effroi :
«Ne pourriez-vous prier et veiller avec moi ? »
Mais un sommeil de mort accable les apôtres.
Pierre à la voix du maître est sourd comme les autres.
Le Fils de l’Homme alors remonte lentement ;
Comme un pasteur d’Egypte il cherche au firmament
Si l’Ange ne luit pas au fond de quelque étoile….. »
L’esprit pur (extraits)
« ….Ils furent opulents, seigneurs de vastes terres,
Grands chasseurs devant Dieu, comme Nemrod, jaloux
Des beaux cerfs qu’ils lançaient des bois héréditaires
Jusqu’où voulait la mort les livrer à leurs coups ;
Suivant leur forte meute à travers deux provinces,
Coupant les chiens du roi, déroutant ceux des princes,
Forçant les sangliers et détruisant les loups ;
Galants guerriers sur terre et sur mer, se montrèrent
Gens d’honneur en tout temps comme en tous lieux, cherchant
De la Chine au Pérou les Anglais qu’ils brûlèrent
Sur l’eau qu’ils écumaient du levant au couchant ;
Puis, sur leur talon rouge, en quittant les batailles,
Parfumés et blessés revenaient à Versailles
Jaser à l’Oeil-de-Bœuf avant de voir leur champ…
…Mais aucun, au sortir d’une rude campagne,
Ne sut se recueillir, quitter le destrier,
Dételer pour un jour ses palefrois d’Espagne,
Ni des coursiers de chasse enlever l’étrier,
Pour graver quelque page et dire en quelque livre
Comme son temps vivait et comment il sut vivre,
Dès qu’ils n’agissaient plus, se hâtant d’oublier…. »