Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.
Femme et chatte
Elle jouait avec sa chatte
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre noire.
Elle cachait- la scélérate !-
Sous ses mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée.
Mais le diable n’y perdait rien…
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.
La chanson des ingénues
Nous sommes les Ingénues,
Aux bandeaux plats, à l’œil bleu,
Qui vivons, presque inconnues,
Dans les romans qu’on lit peu.
Nous allons entrelacées,
Et le jour n’est pas plus pur
Que le fond de nos pensées,
Et nos rêves sont d’azur ;
Et nous courons par les prés
Et nous rions et babillons
Des aubes jusqu’aux vesprées,
Et chassons aux papillons ;
Et des chapeaux de bergères
Défendent notre fraîcheur,
Et nos robes- si légères-
Sont d’une extrême blancheur ;
Les Richelieux, les Caussades
Et les chevaliers Faublas
Nous prodiguent les œillades,
Les saluts et les « hélasl ».
Mais en vain, et leurs mimiques
Se viennent casser le nez
Devant les plis ironiques
De nos jupons détournés ;
Et notre candeur se raille
Des imaginations
De ces raseurs de muraille,
Bien que parfois nous sentions
Battre nos cœurs sous nos mantes
A des pensers clandestins,
En nous sachant les amantes
Futures des libertins.