05 A un poète ignorant
Qu’on mène aux champs ce coquardeau,
Lequel gaste quand il compose,
Raison, mesure, texte, et glose,
Soit en ballade ou en rondeau.
Il n’a cervelle ne cerveau,
C’est pourquoy si hault crier j’ose :
Qu’on mène aux champs ce coquardeau.
S’il veult rien faire de nouveau,
Qu’il œuvre hardiment quelque chose,
(J’entens s’il en sçait quelque chose)
Car en rithme ce n’est qu’un veau
Qu’on mène aux champs.
06 De Frère Lubin
Pour courir en poste à la ville,
Vingt foys, cent foys, ne sçay combien ;
Pour faire quelque chose vile,
Frère Lubin le fera bien ;
Mais d’avoir honneste entretien,
Ou mener vie salutaire,
C’est à faire à un bon chrestien,
Frère Lubin ne le peult faire.
Pour mettre, comme un homme habile,
Le bien d’autruy avec le sien,
Et vous laisser sans croix ne pile,
Frère Lubin le fera bien ;
On a beau dire : je le tien,
Et le presser de satisfaire,
Jamais ne vous en rendra rien,
Frère Lubin ne le peult faire.
Pour desbaucher par un doulx stile
Quelque fille de bon maintien,
Point ne fault de vieille subtile,
Frère Lubin le fera bien.
Il presche en théologien,
Mais pour boire de belle eau claire,
Faictes-la boire à vostre chien,
Frère Lubin ne le peult faire.
Pour faire plus tost mal que bien
Frère Lubin le fera bien ;
Et si c’est quelque bon affaire,
Frère Lubin ne le peult faire.