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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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02 C est aujourd hui....

Par Jammes Francis

C’est aujourd’hui….
 
C’est aujourd’hui la fête de Virginie…
Tu étais nue sous ta robe de mousseline.
Tu mangeais de gros fruits au goût de Mozambique
Et la mer salée couvrait les crabes creux et gris.
 
Ta chair était pareille à celle des cocos.
Les marchands te portaient des pagnes couleur d’air
Et des mouchoirs de tête à carreaux jaune-clair.
Labourdonnais signait des papiers d’amiraux.
 
Tu es morte et tu vis, ô ma petite amie,
Amie de Bernardin, ce vieux sculpteur de cannes,
Et tu mourus en robe blanche, une médaille
A ton cou pur, dans la Passe de l’Agonie.
 
Elégie troisième
 
Ce pays a la fraîcheur molle des bords des eaux.
Les chemins s’enfoncent obscurément, noirs de mousses,
Vers des épaisseurs bleues pleines d’ombre d’amour.
Le ciel est trop petit sur des arbres trop hauts.
C’est ici que je viens promener ma tristesse,
Chez des amis et que, lentement, au soleil,
Le long des fleurs je m’adoucis et je me traîne.
Ils s’inquiètent de mon cœur et de sa peine,
Et je ne sais pas trop ce qu’il faut leur répondre.
 
Peut-être, quand je serai mort, un enfant doux
Se rappellera qu’il a vu passer dans l’allée
Un jeune homme, en chapeau de soleil, qui fumait
Sa pipe doucement dans un matin d’été.
 
Et toi que j’ai quittée, tu ne m’auras pas vu,
Tu ne m’auras pas vu ici, songeant à toi
Et traînant mon ennui aussi grand que les bois…
Et d’ailleurs, toi non plus, tu ne comprendrais pas,
Car je suis loin de toi et tu es loin de moi.
Je ne regrette pas ta bouche blanche et rose.
Mais alors, pourquoi est-ce que je souffre encore ?
 
Si tu le sais, amie, arrive et dis-le-moi.
Dis-moi pourquoi, pourquoi lorsque je suis souffrant,
Il semble que les arbres comme moi soient malades ?
Est-ce qu’ils mourront aussi en même temps que moi ?
Est-ce que le ciel mourra ? Est-ce que tu mourras ?
 
Guadalupe de Alcaraz
 
Guadalupe de Alcaraz a des mitaines d’or,
Des fleurs de grenadiers suspendues aux oreilles
Et deux accroche-cœurs pareils à deux énormes
Cédilles plaqués sur son front lisse de vierge.
 
Ses yeux sont dilatés comme par quelque drogue
(On dit qu’on employait jadis la belladone) ;
Ils sont passionnés, étonnés et curieux,
Et leurs prunelles noires roulent dans du blanc-bleu.
 
Le nez est courbe et court comme le bec des cailles.
Elle est dure, dorée, ronde comme une grenade.
Elle s’appelle aussi Rosita-Maria
Mais elle appelle sa duègne : carogna !
 
Toute la journée elle mange du chocolat,
Ou bien elle se dispute avec sa perruche
Dans un jardin de la Vallée d’Alméria
Plein de ciboules bleues, de poivriers et de ruches.
 
Lorsque Guadalupe qui a dix-sept ans
En aura quatre-vingt, elle s’en ira souvent
Dans le jardin aux forts parfums, aux fleurs gluantes,
Jouer de la guitare avec de petits gants.
 
Elle aura le nez crochu et le menton croche,
Les yeux troubles des vieux enfants, la maigreur courbe,
Et une chaîne d’or à longues émeraudes
Qui, roide, tombera de son col de vautour.
 
D’un martinet géant et qui sera sa canne,
Elle battra les chats, les enfants et les mouches.
Pour ne pas répondre, elle serrera la bouche.
Elle aura sur la lèvre une moustache rase.
 
Elle aura dans sa chambre une vierge sous globe,
Gantée de blanc, avec de l’argent sur la robe.
Cette vierge de cire sera sa patronne,
C’est-à-dire Notre-Dame-de-Guadalupe.
 
Lorsque Guadalupe de Alcaraz mourra,
De gros hidalgos pareils à des perroquets
Prieront devant ses pieds minces et parallèles,
En ayant l’air d’ouvrir et de fermer des ailes.