Au vacarme des autobus… (extraits)
Au vacarme des autobus
Et des cars qui rentrent des courses,
Pourquoi rêver dans l’ombre à l’eau verte des sources,
Où dans la paix du soir boivent mes boucs barbus ?
Me voilà loin de mes troènes,
Et, malheureux comme toujours,
J’évoque au bruit des carrefours,
Le silence des bois et la voix des sirènes.
Par ce printemps de quoi me sert
Que Paris ouvre mille ombrelles,
Si j’écoute gémir de rauques tourterelles,
Et si mon cœur encor s’ennuie en son désert ?
A vrai dire, ombrelles sont closes,
Car déjà règne un air obscur
Où l’on ne voit non plus les roses
Que les délices de l’azur ;
Et sans regarder aux fenêtres,
Ce soir triste, je mène encor
Sur ce vaste papier à lettres
Une plume sergent-major.
Je ne fais aucune rature,
Et ce qui me vient je l’écris ;
De tout mot je fais ma pâture :
Il bourdonne, le voilà pris.
Telle va ma littérature,
Ce soir. – Au fond, n’est-ce charmant,
(Je dis : pour moi) d’écrire ainsi sous la dictée,
Et sans savoir, en ce moment,
Quelle rime sera chantée,
Qui daignera sonner en ment
Ou bien en tée ?
Autant vaudrait jouer aux dés !
Ce sont propos, vous l’entendez,
Qu’il ne sied guère de répandre,
Car il serait juste que des
Alguazils me menassent pendre.
-Quoi ! plus de choix et plus d’esprit :
Plus de raison qui vous gouverne !
Prendre le mot comme il fleurit,
Et n’avoir en la nuit pas même une lanterne !
Craignez que sous Phoebus quelque traître rival
Ne vous passe la bride en vous nommant cheval ;
Car ne faut-il que soient par les Muses guidées
Les lyres dont la voix enchante l’univers
Et qui savent nouer le myrte et les idées
Dans la musique des beaux vers ?.......