Avenue du Maine
Les manèges déménagent.
Manèges, ménageries, où ?... et pour quels voyages ?
Moi qui suis en ménage
Depuis… ah ! y a bel âge !
De vous goûter, manèges,
Je n’ai plus… que n’ai-je ?...
L’âge.
Les manèges déménagent.
Ménager manager
De l’avenue du Maine
Qui ton manège mène
Pour mener ton ménage !
Ménage ton manège
Manège ton manège.
Manège ton ménage
Mets des ménagements
Au déménagement.
Les manèges déménagent.
Ah ! vers quels mirages ?
Dites pour quels voyages
Les manèges déménagent.
Etablissement d’une communauté au Brésil
On fut reçu par la fougère et l’ananas
L’antilope craintif sous l’ipécacuanha.
Le moine enlumineur quitta son aquarelle
Et le vaisseau n’avait pas replié son aile
Que cent abris légers fleurissaient la forêt.
Les nonnes labouraient. L’une d’elle pleurait
Trouvant dans une lettre un sujet de chagrin.
Un moine intempérant s’enivrait de raisin.
Et l’on priait pour le pardon de ce péché
On cueillait des poisons à la cime des branches
Et les moines vanniers tressaient des urnes blanches.
Un forçat évadé qui vivait de la chasse
Fut guéri de ses plaies et touché de la grâce :
Devenu saint, de tous les autres adoré,
Il obligeait les fauves à leur lécher les pieds.
Et les oiseaux du ciel, les bêtes de la terre
Leur apportaient à tous les objets nécessaires.
Un jour on eut un orgue au creux de murs crépis
Des troupeaux de moutons qui mordaient les épis
Un moine est bourrelier, l’autre est distillateur
Le dimanche après vêpre on herborise en chœur.
Saluez le manguier et bénissez la mangue
La flûte du crapaud vous parle dans sa langue
Les autels sont parés de fleurs vraiment étranges
Leurs parfums attiraient le sourire des anges,
Des sylphes, des esprits blottis dans la forêt
Autour des murs carrés de la communauté.
Or voici qu’un matin quand l’Aurore saignante
Fit la nuée pure et plus fraîche la plante
La forêt où la vigne au cèdre s’unissait
Parut avoir la teigne. Un nègre apparaissait
Puis deux, puis cent, puis mille et l’herbe en était teinte
Et le Saint qui pouvait dompter les animaux
Ne put rien sur ces gens qui furent ses bourreaux.
La tête du couvent roula dans l’herbe verte
Et des moines détruits la place fut déserte
Sans que rien dans l’azur frémît de la mort.
C’est ainsi que vêtu d’innocence et d’amour
J’avançais en traçant mon travail chaque jour
Priant Dieu et croyant à la beauté des choses
Mais le rire cruel, les soucis qu’on m’impose
L’argent et l’opinion, la bêtise d’autrui
Ont fait de moi le dur bourgeois qui signe ici.
La rue Ravignan
Importuner mon Fils à l’heure où tout repose
Pour contempler un mal dont toi-même souris ?
L’incendie est comme une rose
Ouverte sur la queue d’un paon gris.
Je vous dois tout, mes douleurs et mes joies…
J’ai tant pleuré pour être pardonné !
Cassez le tourniquet où je suis mis en cage !
Adieu, barreaux, nous partons vers le Nil ;
Nous profitons d’un Sultan en voyage
Et des villas bâties avec du fil
L’orange et le citron tapisseraient la trame
Et les galériens ont des turbans au front.
Je suis mourant, mon souffle est sur les cimes !
Des émigrants j’écoute les chansons
Port de Marseille, ohé ! la jolie ville,
Les jolies filles et les beaux amoureux !
Chacun ici est chaussé d’espadrilles :
La Tour de Pise et les marchands d’oignons.
Je te regrette, ô ma rue Ravignan !
De tes hauteurs qu’on appelle antipodes
Sur les pipeaux m’ont enseigné l’amour
Douces bergères et leurs riches atours
Venues ici pour nous montrer les modes.
L’une était folle ; elle avait une bique
Avec des fleurs à ses cornes de Pan ;
L’autre pour les refrains de nos fêtes bacchiques
La vague et pure voix qu’eût rêvée Malibran.
L’impasse de Guelma a ses corrégidors
Et la rue Caulaincourt ses marchands de tableaux
Mais la rue Ravignan est celle que j’adore
Pour les cœurs enlacés de mes porte-drapeaux.
Là, taillant des dessins dans les perles que j’aime,
Mes défauts les plus grands furent ceux de mes poèmes.
Musique acidulée
Boum ! Dame ! Amsterdam.
Barège n’est pas Baume-les-Dames !
Papa n’est pas là !
L’ipéca du rat n’est pas du chocolat.
Gros lot du Congo ? oh ! le beau Limpopo !
Port du mort, il sort de l’or (bis).
Clair de mer de verre de terre
Rage, mage, déménage
Du fromage où tu nages
Papa n’est pas là.
L’ipéca du Maradjah de Nepala.
Pipi, j’ai envie
Hi ! faut y l’dire ici.
Vrai ? Vrai ?
La terre
Envolez-moi au-dessus des chandelles noires de la terre,
Au-dessus des cornes venimeuses de la terre.
Il n’y a de paix qu’au-dessus des serpents de la terre,
La terre est une grande bouche souillée,
Ses hoquets, ses rires à gorge déployée,
Sa toux, son haleine, ses ronflements quand elle dort
Me triturent l’âme. Attirez-moi dehors !
Secouez-moi ! empoignez-moi, et toi terre chasse-moi.
Surnaturel, je me cramponne à ton drapeau de soie
Que le grand vent me coule dans tes plis qui ondoient.
Je craque de discordes militaires avec moi-même,
Je me suis comme une poulie, une voiture de dilemmes
Et je ne pourrai dormir que dans vos évidences.
Je vous envie, phénix, faisan doré, condors….
Donnez-moi une couverture volante qui me porte
Au-dessus du tonnerre, dehors au cristal de vos portes.
La Babylone
La Babylone j’ai vu, Marie !
La Babylone j’ai vu, Jésus !
Sept étages et Jésus dessus !
Sept étages avec des colonnes.
Rez-de-chaussée les paresseux
Souliers cirés, esprit ni âme,
Jolis messieurs et jolies dames.
Au premier le riche et l’orgueil
Avec le tonnerre dans son œil.
Au second j’ai vu la colère
Taper du pied pour les faire taire
Depuis le bas jusqu’au fronton
Les sept étages des sept démons.
La puanteur chez les avares
Ceux qui ont pris la meilleure part
Et la luxure porc à porc
Avec les gourmands à la porte.
Jésus dessus, Jésus dessous
Mais on ne Le voit pas du tout.
Berthe la servante
Celui qui forgera la bague de nos noces
C’est Thomas de la grotte, le ferreur de chevaux
Malgré qu’il est sorcier.
Je veux mettre aux doigts blancs de votre belle main
L’anneau d’or tiède encor du marteau de l’enclume.
« Monsieur le Comte, je ne suis qu’une servante,
La servante du bar, du bar de cet hôtel !
-Ô Berthe ! si j’en juge par cette belle main
Diane vous êtes, métamorphosée en bonne.
Je vous ferai comtesse et je deviendrai dieu ! »
Monde ! monde ! pour moi tu n’es que pacotille !
Le lendemain des noces je l’ai trouvée défunte,
Défunte dans mes bras.
Monde ! monde ! tu n’es que pacotille
Puisque je l’ai perdue le lendemain des noces.
Venez ! le forgeron, le ferreur de chevaux,
Prenez-moi le moulage de son bras, de sa main
Car je veux le garder, garder sur mon bureau.
Surtout n’oubliez pas, ô ferreur de chevaux,
De lui passer au doigt l’anneau de mariage
Et faites-le rougir au feu
Pour qu’il s’enfonce dans le plâtre
Comme il est dans mon cœur.
Seule la haine pourrait égaler mon amour
Pour cette morte.