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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Les femmes savantes Acte II

Par Molière

Les femmes savantes (extraits)

Acte II  Scène VII (extraits)

Chrysale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chrysale

…… Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas

Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ?

J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes

Elle accommode mal les noms avec les verbes,

Et redise cent fois un bas ou méchant mot,

Que de brûler ma viande, ou saler trop mon pot.

Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.

Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage ;

Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots,

En cuisine peut-être auraient été des sots.

….

 …. C’est à vous que je parle, ma sœur.

Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;

Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.

Vos livres éternels ne me contente pas,

Et hors un gros Plutarque à mettre à mes rabats,

Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,

Et laisser la science aux docteurs de la ville ;

M’ôter pour faire bien, du grenier de céans

Cette longue lunette à faire peur aux gens,

Et cent brimborions dont l’aspect importune ;

Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune,

Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous,

Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.

Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,

Qu’une femme étudie et sache tant de choses.

Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,

Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,

Et régler la dépense avec économie,

Doit être son étude et sa philosophie.

Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,

Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez

Quand la capacité de son esprit se hausse

A connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse.

Les leurs ne lisaient point, mais elles vivaient bien.

Leurs ménages étaient tout leur docte entretien,

Et leurs livres, un dé, du fil et des aiguilles,

Dont elles travaillaient au trousseau de leurs filles.

Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs :

Elles veulent écrire et devenir auteurs.

Nulle science n’est pour elles trop profonde,

Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde :

Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir,

Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir ;

On y sait comme vont lune, étoile polaire,

Vénus, Saturne et Mars, dont je n’ai point affaire ;

Et, dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin,

On ne sait comme va mon pot, dont j’ai besoin.

Mes gens à la science aspirent pour vous plaire

Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ;

Raisonner est l’emploi de toute ma maison,

Et le raisonnement en bannit la raison.

L’un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire ;

L’autre rêve à des vers quand je demande à boire.

Enfin je vois par eux votre exemple suivi,

Et j’ai des serviteurs et ne suis point servi.

Une pauvre servante au moins m’était restée,

Qui de ce mauvais air n’était point affectée

Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas,

A cause qu’elle manque à parler Vaugelas.

Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse,

(Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse),

Je n’aime point céans tous vos gens à latin,

Et principalement ce Monsieur Trissotin :

C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées ;

Tout les propos qu’il tient sont des billevesées ;

On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé,

Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.

……

Acte Ier  Scène VIII (extraits)

Philaminte

Chrysale

 

 

 

 

 

 

 

Philaminte

…. Avez-vous à lâcher encore quelque trait ?

Moi ? Non. Ne parlons plus de querelle : c’est fait.

Discourons d’autre affaire. A votre fille aînée

On voit quelque dégoût pour les nœuds d’hyménée :

C’est une philosophe enfin, je n’en dis rien,

Elle est bien gouvernée, et vous faites fort bien.

Mais de toute autre humeur se trouve la cadette,

Et je crois qu’il est bon de pourvoir Henriette,

De choisir un mari…

C’est à quoi j’ai songé,

Et je veux vous ouvrir l’intention que j’ai.

Ce Monsieur Trissotin, dont on nous fait un crime,

Et qui n’a pas l’honneur d’être dans votre estime,

Est celui que je prends pour l’époux qu’il lui faut,

Et je sais mieux que vous juger de ce qu’il vaut :

La contestation est ici superflue,

Et de tout point chez moi l’affaire est résolue.

Au moins ne dites mot du choix de cet époux ;

J’ai des raisons à faire approuver ma conduite,

Et je connaîtrai bien si vous l’aurez instruite.

….

Acte Ier  Scène IX (extraits)

Ariste

 

 

 

 

Chrysale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ariste

…. Certes, votre prudence est rare au dernier point !

N’avez-vous point de honte avec votre mollesse ?

Et se peut-il qu’un homme ait assez de faiblesse

Pour laisser à sa femme un pouvoir absolu,

Et n’oser attaquer ce qu’elle a résolu ?

Mon Dieu, vous en parlez, mon frère, bien à l’aise,

Et vous ne savez pas comme le bruit me pèse.

J’aime fort le repos, la paix et la douceur,

Et ma femme est terrible avecque son humeur.

Du nom de philosophe elle fait grand mystère ;

Mais elle n’en est pas pour cela moins colère ;

Et sa morale, faite à mépriser le bien,

Sur l’aigreur de sa bile opère comme rien.

Pour peu que l’on s’oppose à ce que veut sa tête,

On en a pour huit jours d’effroyable tempête.

Elle me fait trembler dès qu’elle prend son ton ;

Je ne sais où me mettre, et c’est un vrai dragon ;

Et cependant, avec toute sa diablerie,

Il faut que je l’appelle et « mon cœur » et « ma mie ».

Allez, c’est se moquer. Votre femme, entre nous,

Est par vos lâchetés souveraine sur vous.

Son pouvoir n’est fondé que sur votre faiblesse,

C’est de vous qu’elle prend le titre de maîtresse ;

Vous-même à ses hauteurs vous vous abandonnez,

Et vous faites mener en bête par le nez.

Quoi ? vous ne pouvez pas, voyant comme on vous nomme,

Vous résoudre une fois à vouloir être un homme ?

A faire condescendre une femme à vos vœux,

Et prendre assez de cœur pour dire un « Je le veux » ?

Vous laisserez sans honte immoler votre fille

Aux folles visions qui tiennent la famille,

Et de tout votre bien revêtir un nigaud,

Pour six mots de latin qu’il leur fait sonner haut,

Un pédant qu’à tous coups votre femme apostrophe

Du nom de bel esprit et de grand philosophe,

D’homme qu’en vers galants jamais on n’égala,

Et qui n’est, comme on sait, rien moins que tout cela ?

Allez, encore un coup c’est une moquerie,

Et votre lâcheté mérite qu’on en rie.

….