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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Britannicus Acte I

Par Racine Jean

Acte 1er Scène 1 (extraits)

Agrippine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Albine

Agrippine

 

 

 

Agrippine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agrippine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agrippine

….. Albine, il ne faut pas s’éloigner un moment.

Je veux l’attendre ici. Les chagrins qu’il me cause

M’occuperont assez tout le temps qu’il repose.

Tout ce que j’ai prédit n’est que trop assuré.

Contre Britannicus Néron s’est déclaré.

L’impatient Néron cesse de se contraindre ;

Las de se faire aimer, il veut se faire craindre.

Britannicus le gêne, Albine, et chaque jour

Je sens que je deviens importune à mon tour.

……

 ….Il vous doit son amour.

Il me le doit, Albine.

Tout, s’il est généreux, lui prescrit cette loi ;

Mais tout, s’il est ingrat, lui parle contre moi.

……

Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste :

Il commence, il est vrai, par où finit Auguste ;

Mais crains que, l’avenir détruisant le passé,

Il ne finisse ainsi qu’Auguste a commencé.

Il se déguise en vain. Je lis sur son visage

Des fiers Domitius l’humeur triste et sauvage.

Il mêle avec l’orgueil qu’il a pris dans leur sang

La fierté des Nérons qu’il puisa dans mon flanc.

Toujours la tyrannie a d’heureuses prémices :

De Rome, pour un temps, Caïus fut les délices ;

Mais, sa feinte bonté se tournant en fureur,

Les délices de Rome en devinrent l’horreur.

Que m’importe, après tout, que Néron, plus fidèle,

D’une longue vertu laisse un jour le modèle ?

Ai-je mis dans sa main le timon de l’Etat

Pour le conduire au gré du peuple et du sénat ?

Ah ! que de la patrie il soit, s’il veut, le père ;

Mais qu’il songe un peu plus qu’Agrippine est sa mère.

De quel nom cependant pouvons-nous appeler

L’attentat que le jour vient de nous révéler ?

Il sait, car leur amour ne peut être ignorée,

Que de Britannicus Junie est adorée :

Et ce même Néron que la vertu conduit

Fait enlever Junie au milieu de la nuit.

Que veut-il ? Est-ce haine, est-ce amour, qui l’inspire ?

Cherche-t-il seulement le plaisir de leur nuire ?

Ou plutôt n’est-ce point que sa malignité

Punit sur eux l’appui que je leur ai prêté ?

……

…..Tous ces présents, Albine, irritent mon dépit :

Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit.

Non, non, le temps n’est plus que Néron, jeune encore,

Me renvoyait les vœux d’une cour qui l’adore,

Lorsqu’il se reposait sur moi de tout l’Etat,

Que mon ordre au palais assemblait le sénat,

Et que, derrière un voile, invisible et présente,

J’étais de ce grand corps l’âme toute-puissante.

Des volontés de Rome alors mal assuré,

Néron de sa grandeur n’était point enivré.

Ce jour, ce triste jour, frappe encor ma mémoire,

Où Néron fut lui-même ébloui de sa gloire,

Quand les ambassadeurs de tant de rois divers

Vinrent le reconnaître au nom de l’univers.

Sur son trône avec lui j’allais prendre ma place.

J’ignore quel conseil prépara ma disgrâce ;

Quoi qu’il en soit, Néron, d’aussi loin qu’il me vit,

Laissa sur son visage éclater son dépit.

Mon cœur même en conçut un malheureux augure.

L’ingrat, d’un faux respect colorant son injure,

Se leva par avance, et, courant m’embrasser,

Il m’écarta du trône où je m’allais placer.

Depuis ce coup fatal le pouvoir d’Agrippine,

Vers sa chute, à grands pas, chaque jour s’achemine.

L’ombre seule m’en reste, et l’on implore plus

Que le nom de Sénèque et l’appui de Burrhus.

…..

César ne me voit plus, Albine, sans témoins.

En public, à mon heure, on me donne audience.

Sa réponse est dictée, et même son silence.

Je vois deux surveillants, ses maîtres et les miens,

Présider l’un ou l’autre à tous nos entretiens.

Mais je le poursuivrai d’autant plus qu’il m’évite.

De son désordre, Albine, il faut que je profite.

J’entends du bruit ; on ouvre. Allons subitement

Lui demander raison de cet enlèvement.

Surprenons, s’il se peut, les secrets de son âme.

…….

Acte 1er Scène 2 (extraits)

 

Burrhus

 

 

 

 

 

 

Agrippine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Burrhus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agrippine

…..

….De quoi vous plaignez-vous, Madame ? On vous révère.

Ainsi que par César, on jure par sa mère.

L’Empereur, il est vrai, ne vient plus chaque jour

Mettre à vos pieds l’empire et grossir votre cour.

Mais le doit-il, Madame ? et sa reconnaissance

Ne peut-elle éclater que dans sa dépendance ?

…..

Ainsi, sur l’avenir n’osant vous assurer,

Vous croyez que sans vous Néron va s’égarer.

Mais vous qui, jusqu’ici content de votre ouvrage,

Venez de ses vertus nous rendre témoignage,

Expliquez-nous pourquoi, devenu ravisseur,

Néron de Silanus fait enlever la sœur.

Ne tient-il qu’à marquer de cette ignominie

Le sang de mes aïeux qui brille dans Junie ?

De quoi l’accuse-t-il ? et par quel attentat

Devient-elle en un jour criminelle d’Etat,

Elle qui, sans orgueil jusqu’alors élevée,

N’aurait point vu Néron s’il ne l’eût enlevée,

Et qui même aurait mis au rang de ses bienfaits

L’heureuse liberté de ne le voir jamais ?

Je sais que d’aucun crime elle n’est soupçonnée,

Mais jusqu’ici César ne l’a point condamnée,

Madame ; aucun objet ne blesse ici ses yeux :

Elle est dans un palais tout plein de ses aïeux.

Vous savez que les droits qu’elle porte avec elle

Peuvent de son époux faire un prince rebelle ;

Que le sang de César ne se doit allier

Qu’à ceux à qui César le veut bien confier ;

Et vous-même avoûrez qu’il ne serait pas juste

Qu’on disposât sans lui de la nièce d’Auguste.

…..

A ma confusion, Néron veut faire voir

Qu’Agrippine promet par-delà son pouvoir.

Rome de ma faveur est trop préoccupée :

Il veut par cet affront qu’elle soit détrompée,

Et que tout l’univers apprenne avec terreur

A ne plus confondre mon fils et l’Empereur.

Il le peut. Toutefois j’ose encore lui dire

Qu’il doit avant ce coup affermir son empire ;

Et qu’en me réduisant à la nécessité

D’éprouver contre lui ma faible autorité,

Il expose la sienne, et que dans la balance

Mon nom peut-être aura plus de poids qu’il ne pense.

…..

 

Acte 1er Scène 4 (extraits)

Britannicus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Britannicus

….

Mais je suis seul encor. Les amis de mon père

Sont autant d’inconnus que glace ma misère ;

Et ma jeunesse même écarte loin de moi

Tous ceux qui dans le cœur me réservent leur foi.

Pour moi, depuis un an qu’un peu d’expérience

M’a donné de mon sort la triste connaissance,

Que vois-je autour de moi, que des amis vendus

Qui sont de tous mes pas les témoins assidus,

Qui, choisis par Néron pour ce commerce infâme,

Trafiquent avec lui des secrets de mon âme ?

Quoiqu’il en soit, Narcisse, on me vend tous les jours :

Il prévoit mes desseins, il entend mes discours ;

Comme toi, dans mon cœur il sait ce qui se passe.

…..

Narcisse, tu dis vrai. Mais cette défiance

Est toujours d’un grand cœur la dernière science :

On le trompe longtemps. Mais enfin je te croi,

Ou plutôt je fais vœu de ne croire que toi.

Mon père, il m’en souvient, m’assura de ton zèle.

Seul de ses affranchis tu m’es toujours fidèle ;

Tes yeux, sur ma conduite, incessamment ouverts,

M’ont sauvé jusqu’ici de mille écueils couverts.

Va donc voir si le bruit de ce nouvel orage

Aura de nos amis excité le courage.

Examine leurs yeux, observe leurs discours ;

Vois si j’en puis attendre un fidèle secours.

Surtout dans ce palais remarque avec adresse

Avec quel soin Néron fait garder la princesse.

…..