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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Britannicus Acte IV

Par Racine Jean

Acte 4 Scène 1 (extraits)

Burrhus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agrippine

Oui, Madame, à loisir vous pourrez vous défendre :

César lui-même ici consent de vous entendre.

Si son ordre au palais vous a fait retenir,

C’est peut-être à dessein de vous entretenir.

Quoi qu’il en soit, si j’ose expliquer ma pensée,

Ne vous souvenez plus qu’il vous ait offensée :

Préparez-vous plutôt à lui tendre les bras ;

Défendez-vous, Madame, et ne l’accusez pas.

Vous voyez, c’est lui seul que la cour envisage.

Quoiqu’il soit votre fils, et même votre ouvrage,

Il est votre empereur. Vous êtes comme nous

Sujette à ce pouvoir qu’il a reçu de vous.

Selon qu’il vous menace, ou bien qu’il vous caresse,

La cour autour de vous ou s’écarte ou s’empresse ;

C’est son appui qu’on cherche en cherchant votre appui.

Mais voici l’Empereur.

Qu’on me laisse avec lui.

Acte 4 Scène 2 (extraits)

 

Agrippine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Néron

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Agrippine

…….

C’est le sincère aveu que je voulais vous faire.

Voilà tous mes forfaits. En voici le salaire.

Du fruit de tant de soins à peine jouissant

En avez-vous six mois paru reconnaissant,

Que, lassé d’un respect qui vous gênait peut-être,

Vous avez affecté de ne plus me connaître.

….

J’ai vu favoriser de votre confiance

Othon, Sénécion, jeunes voluptueux

Et de tous vos plaisirs flatteurs respectueux ;

Et lorsque, vos mépris excitant mes murmures,

Je vous ai demandé raison de tant d’injures

(Seul recours d’un ingrat qui se voit confondu)

Par de nouveaux affronts vous m’avez répondu.

Aujourd’hui je promets Junie à votre frère ;

Ils se flattent tous deux du choix de votre mère :

Que faites-vous ? Junie, enlevée à la cour,

Devient en une nuit l’objet de votre amour ;

Je vois de votre cœur Octavie effacée,

Prête à sortir du lit où je l’avais placée ;

Je vois Pallas banni, votre frère arrêté ;

Vous attentez enfin jusqu’à ma liberté

……

Je me souviens toujours que je vous dois l’empire,

Et sans vous fatiguer du soin de le redire,

Votre bonté, Madame, avec tranquillité

Pouvait se reposer sur ma fidélité.

Aussi bien ces soupçons, ces plaintes assidues,

Ont fait croire à tous ceux qui les ont entendues

Que jadis (j’ose ici vous le dire entre nous)

Vous n’aviez, sous mon nom, travaillé que pour vous.

« Tant d’honneurs, disaient-ils, et tant de déférences,

Sont-ce de ses bienfaits de faibles récompenses ?

Quel crime a donc commis ce fils tant condamné ?

Est-ce pour obéir qu’elle la couronné ? 

N’est-il de son pouvoir que le dépositaire ? »

Non que, si jusque-là j’avais pu vous complaire,

Je n’eusse pris plaisir, Madame, à vous céder

Ce pouvoir que vos cris semblaient redemander.

Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse.

Vous entendiez les bruits qu’excitait ma faiblesse.

Le sénat chaque jour et le peuple, irrités

De s’ouïr par ma vois dicter vos volontés,

Publiaient qu’en mourant Claude avec sa puissance

M’avait encor laissé sa simple obéissance.

Vous avez vu cent fois nos soldats en courroux

Porter en murmurant leurs aigles devant vous,

Honteux de rabaisser par cet indigne usage

Les héros dont encore elles portent l’image.

Toute autre se serait rendue à leurs discours,

Mais si vous ne régnez, vous vous plaignez toujours.

Avec Britannicus contre moi réunie,

Vous le fortifiez du parti de Junie ;

Et la main de Pallas trame tous ces complots.

Et, lorsque malgré moi j’assure mon repos,

On vous voit de colère et de haine animée.

Vous voulez présenter mon rival à l’armée :

Déjà jusques au camp le bruit en a couru.

Moi, le faire empereur, ingrat ! L’avez-vous cru ?

Quel serait mon dessein ? Qu’aurais-je pu prétendre ?

Quels honneurs dans sa cour, quel rang pourrais-je attendre ?

Ah ! si sous votre empire on ne m’épargne pas,

Si mes accusateurs observent tous mes pas,

Si de leur empereur ils poursuivent la mère,

Que ferais-je au milieu d’une cour étrangère ?

Ils me reprocheraient, non des cris impuissants,

Des desseins étouffés aussitôt que naissants,

Mais des crimes pour vous commis à votre vue,

Et dont je ne serais que trop tôt convaincue.

Vous ne me trompez point, je vois tous vos détours :

Vous êtes un ingrat, vous le fûtes toujours.

Dès vos plus jeunes ans mes soins et mes tendresses

N’ont arraché de vous que de feintes caresses.

Rien ne vous a pu vaincre ; et votre dureté

Aurait dû dans son cours arrêter ma bonté.

Que je suis malheureuse ! Et par quelle infortune

Faut-il que tous mes soins me rendent importune ?

Je n’ai qu’un fils. O ciel, qui m’entends aujourd’hui,

T’ai-je fait quelques vœux qui ne fussent pour lui ?

Remords, crainte, périls, rien ne m’a retenue ;

J’ai vaincu ses mépris ; j’ai détourné ma vue

Des malheurs qui dès lors me furent annoncés ;

J’ai fait ce que j’ai pu : vous régnez, c’est assez.

Avec ma liberté, que vous m’avez ravie,

Si vous le souhaitez, prenez encor ma vie,

Pourvu que par ma mort tout le peuple irrité

Ne vous ravisse pas ce qui m’a tant coûté.

…..

Acte 4 Scène 3 (extraits)

 

Néron

 

 

 

 

Burrhus

Néron

 

 

 

 

 

Burrhus

Néron

Burrhus

Néron

 

Burrhus

…..

Je ne vous flatte point, je me plaignais de vous,

Burrhus : je vous ai crus tous deux d’intelligence ;

Mais son inimitié vous rend ma confiance.

Elle se hâte trop, Burrhus, de triompher.

J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer.

Quoi, Seigneur !

C’en est trop ; il faut que sa ruine

Me délivre à jamais des fureurs d’Agrippine.

Tant qu’il respirera je ne vis qu’à demi.

Elle m’a fatigué de ce nom ennemi ;

Et je ne prétends pas que sa coupable audace

Une seconde fois lui promette ma place.

Elle va donc bientôt pleurer Britannicus ?

Avant la fin du jour je ne le craindrai plus

Et qui de ce dessein vous inspire l’envie ?

Ma gloire, mon amour, ma sûreté, ma vie.

…..

Et ne suffit-il pas, Seigneur, à vos souhaits

Que le bonheur public soit un de vos bienfaits ?

C’est à vous à choisir, vous êtes encor maître.

Vertueux jusqu’ici, vous pouvez toujours l’être :

Le chemin est tracé, rien ne vous retient plus ;

Vous n’avez qu’à marcher de vertus en vertus.

Mais si de vos flatteurs vous suivez la maxime,

Il vous faudra, Seigneur, courir de crime en crime,

Soutenir vos rigueurs par d’autres cruautés,

Et laver dans le sang vos bras ensanglantés.

Britannicus mourant excitera le zèle

De ses amis, tout prêts à prendre sa querelle.

Ces vengeurs trouveront de nouveaux défenseurs,

Qui, même après leur mort, auront des successeurs.

Vous allumez un feu qui ne pourra s’éteindre.

Craint de tout l’univers, il vous faudra tout craindre,

Toujours punir, toujours trembler dans vos projets,

Et pour vos ennemis compter tous vos sujets.

…..

Tels étaient vos plaisirs. Quel changement, ô dieux !

Le sang le plus abject vous était précieux.

Un jour, il m’en souvient, le sénat équitable

Vous pressait de souscrire à la mort d’un coupable ;

Vous résistiez, Seigneur, à leur sévérité :

Votre cœur s’accusait de trop de cruauté ;

Et, plaignant les malheurs attachés à l’Empire,

« Je voudrais, disiez-vous, ne savoir pas écrire. »

Non, ou vous me croirez, ou bien de ce malheur

Ma mort m’épargnera la vue et la douleur :

On ne me verra point survivre à votre gloire,

Si vous allez commettre une action si noire.

…..

Acte 4 Scène 4

 

Narcisse

 

Néron

Narcisse

Néron

Narcisse

 

 

 

 

Néron

 

 

 

 

 

 

 

 

Narcisse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Néron

……

Agrippine, Seigneur, se l’était bien promis ;

Elle a repris sur vous son souverain empire.

Quoi donc ? Qu’a-t-elle dit ? Et que voulez-vous dire ?

Elle s’en est vantée publiquement.

De quoi ?

Qu’elle n’avait qu’à vous voir un moment ;

Qu’à tout ce grand éclat, qu’à ce courroux funeste,

On verrait succéder un silence modeste ;

Que vous-même à la paix souscririez le premier,

Heureux que sa bonté daignât tout oublier.

Mais, Narcisse, dis-moi, que veux-tu que je fasse ?

Je n’ai que trop de pente à punir son audace ;

Et, si je m’en croyais, ce triomphe indiscret

Serait bientôt suivi d’un éternel regret.

Mais de tout l’univers quel sera le langage ?

Sur le pas des tyrans veux-tu que je m’engage,

Et que Rome, effaçant tant de titre d’honneur,

Me laisse pour tous noms celui d’empoisonneur ?

Ils mettront ma vengeance au rang des parricides.

Et prenez-vous, Seigneur, leurs caprices pour guides ?

Avez-vous prétendu qu’ils se tairaient toujours ?

Est-ce à vous de prêter l’oreille à leurs discours ?

De vos propres désirs perdez-vous la mémoire ?

Et serez-vous le seul que vous n’oserez croire ?

……

D’un empoisonnement vous craignez la noirceur ?

Faites périr le frère, abandonnez la sœur ;

Rome, sur ses autels prodiguant les victimes,

Fussent-ils innocents, leur trouvera des crimes ;

Vous verrez mettre au rang des jours infortunés

Ceux où jadis la sœur et le frère sont nés.

….

Burrhus ne pense pas, Seigneur, tout ce qu’il dit :

Son adroite vertu ménage son crédit ;

Ou plutôt ils n’ont tous qu’une même pensée :

Ils verraient par ce coup leur puissance abaissée ;

Vous seriez libre alors, Seigneur, et devant vous

Ces maîtres orgueilleux fléchiraient comme nous.

Quoi donc ! ignorez-vous tout ce qu’ils osent dire ?

« Néron, s’ils en sont crus, n’est point né pour l’Empire ;

Il ne dit, il ne fait que ce qu’on lui prescrit :

Burrhus conduit son cœur, Sénèque son esprit.

Pour toute ambition, pour vertu singulière,

Il excelle à conduire un char dans la carrière,

A disputer des prix indignes de ses mains,

A se donner lui-même en spectacle aux Romains,

A venir prodiguer sa voix sur un théâtre,

A réciter des chants qu’il veut qu’on idolâtre,

Tandis que des soldats, de moments en moments,

Vont arracher pour lui les applaudissements. »

Ah ! ne voulez-vous pas les forcer à se taire ?

Viens, Narcisse. Allons voir ce que nous devons faire.