Oui, Madame, Néron (qui l’aurait pu penser ?)
Dans son appartement m’attend pour m’embrasser.
Il y fait de sa cour inviter la jeunesse ;
Il veut que d’un festin la pompe et l’allégresse
Confirment à leurs yeux la foi de nos serments,
Et réchauffent l’ardeur de nos embrassements ;
Il éteint cet amour, source de tant de haine ;
Il vous fait de mon sort arbitre souveraine.
Pour moi, quoique banni du rang de mes aïeux,
Quoique de leur dépouille il se pare à mes yeux,
Depuis qu’à mon amour cessant d’être contraire
Il semble me céder la gloire de vous plaire,
Mon cœur, je l’avoûrai, lui pardonne en secret,
Et lui laisse le reste avec moins de regret.
……
Ah ! Madame !....Mais quoi ! quelle nouvelle crainte
Tient parmi mes transports votre joie en contrainte ?
D’où vient qu’en m’écoutant, vos yeux, vos tristes yeux,
Avec de longs regards se tournent vers les cieux ?
Qu’est-ce que vous craignez ?
Je l’ignore moi-même
Mais je crains
………
Quoi ? vous le soupçonnez d’une haine couverte ?
Néron m’aimait tantôt, il jurait votre perte ;
Il me fuit, il vous cherche ; un si grand changement
Peut-il être, Seigneur, l’ouvrage d’un moment ?
……
Seigneur, ne jugez pas de son cœur par le vôtre ;
Sur des pas différents vous marchez l’un et l’autre.
Je ne connais Néron et la cour que d’un jour ;
Mais (si je l’ose dire) hélas ! dans cette cour
Combien tout ce qu’on dit est loin de ce qu’on pense !
Que la bouche et le cœur sont peu d’intelligence !
Avec combien de joie on y trahit sa foi !
Quel séjour étranger et pour vous et pour moi !
……
Mais Narcisse, Seigneur, ne vous trahit-il point ?
Et pourquoi voulez-vous que mon cœur s’en défie ?
Et que sais-je ? Il y va, Seigneur, de votre vie.
Tout m’est suspect : je crains que tout ne soit séduit :
Je crains Néron ; je crains le malheur qui me suit.
D’un noir pressentiment malgré moi prévenue,
Je vous laisse à regret éloigner de ma vue.
Hélas ! si cette paix dont vous vous repaissez
Couvrait contre vos jours quelques pièges dressés !
Si Néron, irrité de notre intelligence,
Avait choisi la nuit pour cacher sa vengeance !
S’il préparait ses coups tandis que je vous vois !
Et si je vous parlais pour la dernière fois !
Ah ! Prince !
…..
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