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2014 01 Le compagnon du silenceBy Marie-Thérèse Chatard LE COMPAGNON DU SILENCE
Un samedi, les deux amis s'étaient assis dans le parc. Le plus âgé songeait à ses vingts ans. Il revoyait Yvonne tournoyer dans sa jolie robe à pois.
Que faisait-il encore ici-bas ? C'est vrai quoi, elle lui manquait. Il le disait à l'autre, lui confiait tout, Yvonne, leur mariage et le si beau banquet. Jamais convives n'avaient si bien mangé ! Du saumon ! c'était si rare à l'époque... et le vin ! Ça oui, on avait bu du bon vin et même on avait fini au Monbazillac ! Ah, c'était une belle noce, on en avait parlé dans tout le pays. Et puis, on avait ri et dansé. Je m'souviens même d'mon copain Marcel, qui avait trop bu et s'était trompé d'maison. Comme il arrivait pas à l'ouvrir, il a cogné et le propriétaire est sorti furieux. Il a fait valser Marcel d'un bon coup de pied ou j'pense ! Fallait voir l'Marcel nous raconter ça !
Rien qu'en y pensant, les yeux de Léon brillaient. Son compagnon, lui, hochait la tête, prenant soin de ne pas l'interrompre. Parfois ils marchaient. Leurs gestes alors s'ajustaient, se copiaient, s'égalaient et toujours Léon parlait.
Une giboulée soudaine s’abattit sur eux. Ils rentrèrent trempés. Au matin, Léon toussait.
Deux jours plus tard le médecin déclara une mauvaise pneumonie. Le vendredi, il y eut un léger mieux grâce au soleil qui tapait à la fenêtre qu'on ouvrit. L'air chaud l'apaisa. Il dit à son ami :
- Milou, rendez-vous à 17 heures, dans trois jours, devant ma maison... n'oublies pas !
Léon mourut le lendemain, paisible. L'enterrement fut fixé le lundi, à 17 heures, comme prévu. Quand on sortit Léon de la maison, Milou le fidèle était là. On se rendit à pied au cimetière.Il suivit le cercueil comme s'il faisait corps avec lui. Quand la bièredescenditdans la tombe, il s'était senti glisser avec elle. Heureusement le soleil se cacha... A ce moment-là seulement Milou recula et partit.
Les jours d'après, dans le village, les langues se délièrent et le secret, que complaisamment on taisait, éclata. Léon parlait à son ombre... cette ombre qu'il avait prise pour compagnon. Dans sa solitude, elle était comme un frère siamois, à qui il pouvait tout dire.
Aujourd'hui au cimetière, les visiteurs croient souvent apercevoir ce compagnon du silence. A certaines heures du jour, l'ombre s'allonge près du caveau de Léon. Parfois, elle est assise et l'on peut entendre, en prêtant l'oreille, des murmures sourdre entre les pierres.
Marie-Thérèse Chatard Suresnes, début mars 2014 . |