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Poetry


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16 L'Ecoute s'il pleut

By Marc Rugani

L’ECOUTE S’IL PLEUT
 
J’ai traversé hier un village au nom extraordinaire.
Jugez-en : « L’Ecoute s’il pleut » !
Voilà, c’est son nom ! Alors, qu’en pensez-vous ?
Allez, parlez franchement et dites-moi tout !
A-t-il eu l’heur de vous surprendre et de vous plaire
Ce joli nom, comme il m’a plu ?
Beaucoup ? Eh bien, j’en suis heureux, il le mérite ! Peu
Dites-vous ? Vraiment ? Vous dites être insensible à sa poésie
A son mystère, à sa magie. J’en suis fort triste ! Tant pis !
« Plu » de plaire, bien entendu
Vous l’aviez bien compris, et non pas de pleuvoir
Bien que… ! Je me suis demandé quelle est l’histoire
Du nom charmant de ce village. J’ai cherché
Mais je n’ai rien trouvé.
A mon esprit rebelle et sec, rien n’est venu,
Aucune idée qui vaille la peine d’en parler, même saugrenue.
C’est sûr, je chercherai un jour dans les archives communales
Une réponse auprès des sages, des vieux, dans les annales
Auprès de ceux qui savent les temps anciens.
En attendant, ce mystère m’irrite. J’aimerais que l’un deux, celui qui se souvient
Sachant ce que je cherche, un soir auprès de la cheminée
M’invite en sa maison ; je l’imagine déjà, ancienne comme lui, sombre et peu chauffée,
Emplie d’odeurs fortes ; dans l’âtre des saucisses et jambons
Pendant au suspensoir au bout d’une cordelette
Brunis par la fumée, qui sècheront
Au chaud jusqu’aux jours sans ou jusqu’aux jours de fête
Pour être décrochés. Peut-être poussera-t-il, l’Ancien, au feu quelques marrons ?
Sa main noueuse d’un gros pain de campagne coupera un quignon
Armée d’un couteau court patiemment affuté
Manche de corne ou d’os à la lame effilée.
Il aura mis sur la table de bois
Deux verres et une bouteille : l’Ancien sait recevoir
Bouteille sombre et fraîche, à peine sortie de cave, emplie ma foi
Sans doute d’un rouge léger, frôlant l’acide, qu’on a du mal à boire
Qu’il aura fait lui-même avec amour et soin
De sa vigne à côté, mais d’un pauvre raisin
Trop peu chargé en sucre même s’il est juteux :
Ici le soleil se fait rare, les nuages si nombreux.
L’homme portera une chemise épaisse sous une veste de laine : la maison est frisquette
On y attrape vite froid si on n’y prend pas garde ; sur la tête
Un bonnet ; le pantalon sera d’un gros velours brun :
Tenue rustique, solide, à l’épreuve du temps ; ça tient chaud, c’est sain.
Nous boirons la piquette en silence, parcimonieusement
Et mastiquerons le pain de la même façon, lentement.
Dehors, il versera à seaux, la pluie ruisselant sur le toit.
Me voyant frissonner, il dira un moment : « Mets ceci, Petit, pour ne pas prendre froid ».
Nous nous rapprocherons du feu
Et puis plein de mystère, jusqu’au lever du jour il me dira pourquoi
Son village a pour nom : « L’Ecoute s’il pleut ».
Voilà, j’aimerais tant que tout se passe ainsi !
Mais d’apprendre dans les livres ou de vous serait très bien aussi.
D’ailleurs, peut-être le savez-vous maintenant
Vous qui lisez ces lignes, depuis le commencement ?
Alors, pourquoi « L’Ecoute s’il pleut » porte un si joli nom ?
Dites-moi vite, j’ai hâte, surtout ne me dites pas non !