Les St Jacques
Les uns après les autres en un ballet bien ordonné les bateaux accostent et repartent du port
Déchargeant leurs coquilles valant pépites d’or.
Chaque heure est précieuse, le temps leur est compté
Car bientôt les moteurs s’arrêteront et comme morts
Les bateaux aux quais resteront amarrés : interdit de pêcher.
Alors, vite, il faut emplir les coffres d’or
Tant que la Loi l’autorise en prévision des temps
Où pour vivre il faudra y puiser, journellement,
Jusqu’au nouveau départ ; aussi, foin du froid qui desquame la peau
Brûle et crevasse comme un coup de couteau !
Foin du vent fort, des nuits noires sans étoiles ni lune, et du temps au labeur !
Il faut savoir ne pas compter les heures
Pour pouvoir décharger sans délais
Les coquilles sur le quai
Peser sa pêche
Puis-vite encore- on se dépêche-
Préparer le bateau à nouveau
Et en deux quarts de cercle repartir aussitôt
Vers la grande mer
Toute proche, la mère nourricière.
Car qu’il fasse beau ou un vent comme il souffle en enfer
Il faut y aller, le métier doit se faire.
Aux yeux émerveillés des badauds
Capitaines encapuchonnés de cirés et matelots
Comme les marins d’autrefois se parent d’aventure
Partant affronter vagues énormes et tempêtes
Et des abysses opaques des monstres plus sombres peut-être.
De ces vaillants avec leur bateau quelques uns sombreront
La mort est trop souvent leur mauvais compagnon.
Mais même sans cette démesure
Le métier tous les jours est bien dur
Il use son homme, sa jeunesse, comme la lime le fer
Et bientôt il faudra à chacun déposer sac à terre
Pour définitivement faire une croix sur sa vie d’homme de mer.
Continuant sans répit leur manège, les bateaux accostent et repartent encore
Déchargeant leur pêche valant pépites d’or.
Dans les paniers et sur le quai les coquilles claquent
Semblant héler fièrement les badauds sur le port :
« Voyez Mesdames, voyez Messieurs : Nous, c’est du « St Jacques »
Pêchées sur fonds de sables et de graviers en Manche
Du beau, du bon, du frais, pour votre plaisir demain dimanche ! »