Quatre vingt dix
Il a quatre vingt dix ans
La tête claire
Sans un soupçon d’Alzheimer
Toujours bon pied bon œil
Et de son état il en est fier
Comme Artaban
Alors il marche droit, empli d’orgueil.
Les autres de son âge ne sont plus de ce monde
Mangés de vers dans leur tombe
Ou mal en point, souffreteux
Impotents ou gâteux
Gangrenés de leur cancer immonde.
Lui va au Club des Vieux
Où il est roi, il danse avec brio
Sans se lasser, toujours dans le tempo
Il roucoule, il fait le beau
Il plait aux vieilles dames, bientôt il serait amoureux !
Son appétit est celui d’un vingt ans
Jamais rien se refusant
-Monsieur ne suit aucun régime- et gaillardement
Il boit le jus de la treille et la fine aussi de temps en temps.
Il raconte des histoires, il rit
A l’écouter, on s’esclaffe, on rit
De toutes et tous, il est le plus jeune d’esprit
De cœur de corps aussi.
Il croit dur comme fer en son avenir
Qu’il voit radieux- pour lui
Rien encore ne peut finir-
Qu’il va durer longtemps ainsi
Jamais il ne fût aussi bien, ni aussi sûr de lui.
Il a la certitude qu’il est le meilleur
Qu’il tient une revanche, victorieux d’un bonheur
Avare aux temps passés, il est sur un nuage
Il surfe sur son âge.
Pour lui, quatre vingt dix, c’est le plus bel âge.