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Poets of the past


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18 Amour et Parallèlement

By Verlaine Paul

15
 
Puisque encore déjà la sottise tempête,
Explique alors la chose, ô malheureux poète.
 
Je connus cet enfant, mon amère douceur,
Dans un pieux collège où j’étais professeur.
Ses dix-sept ans mutins et maigres, sa réelle
Intelligence, et la pureté vraiment belle
Que disaient et ses yeux et son geste et sa voix,
Captivèrent mon cœur et discrètement mon choix
De lui pour fils, puisque mon vrai fils, mes entrailles,
On me le cache en manière de représailles
Pour je ne sais quels torts charnels et surtout pour
Un fier départ à la recherche de l’amour
Loin d’une vie aux platitudes résignée !
Oui, surtout et plutôt pour ma fuite indignée
En compagnie illustre et fraternelle vers
Tous les points du physique et moral univers,
-Il paraît que les gens dirent jusqu’à Sodome-
Où mourussent les cris de Madame Prudhomme !
 
Je lui fis part de mon dessein. Il accepta.
 
Il avait des parents qu’il aimait, qu’il quitta
D’esprit pour être mien, tout en restant son maître,
Et maître de son cœur, de son âme peut-être,
Mais de son esprit, plus.
Ce fut bien, ce fut beau,
Et c’eût été trop bon, n’eût été le tombeau.
Jugez .
En même temps que toutes mes idées
(Les bonnes !) entraient dans son esprit, précédées
De l’Amitié jonchant leur passage de fleurs,
De lui, simple et blanc comme un lys calme aux couleurs
D’innocence candide et d’espérance verte,
L’Exemple descendait sur mon âme entr’ouverte
Et sur mon cœur qu’il pénétrait, plein de pitié,
Par un chemin semé des fleurs de l’Amitié ;
Exemple des vertus joyeuses, la franchise,
La chasteté, la foi naïve dans l’Eglise,
Exemple des vertus austères, vivre en Dieu,
Le chérir en tout temps et le craindre en tout lieu,
Sourire, que l’instant soit léger ou sévère,
Pardonner, qui n’est pas une petite affaire !
 
Cela dura six ans, puis l’ange s’envola,
Dès lors je vais hagard et comme ivre. Voilà.
 
25 (extraits)
 
….Et vous tous, la meilleure part
De mon âme, dont le départ
Flétrit mon heure la meilleure,
Amis que votre heure faucha,
Ô mes morts, voyez que déjà
Il se fait temps qu’aussi je meure….
 
Batignolles
 
Un grand bloc de grès ; quatre noms : mon père
Et ma mère et moi, puis mon fils bien tard
Dans l’étroite paix du plat cimetière
Blanc et noir et vert, au long du rempart.
 
Cinq tables de grès ; le tombeau nu, fruste,
Et un carré long, haut d’un mètre et plus,
Qu’une chaîne entoure et décore juste,
Au bas du faubourg qui ne bruit plus.
 
C’est de là que la trompette de l’ange
Fera se dresser nos corps ranimés
Pour la vie enfin qui jamais ne change
Ô vous, père et mère et fils bien-aimés.
 
Impression fausse
 
Dame souris trotte,
Noire dans le gris du soir,
Dame souris trotte,
Grise dans le noir.
 
On sonne la cloche :
Dormez, les bons prisonniers,
On sonne la cloche :
Faut que vous dormiez.
 
Pas de mauvais rêve,
Ne pensez qu’à vos amours,
Pas de mauvais rêve :
Les belles toujours !
 
Le grand clair de lune !
On ronfle ferme à côté.
Le grand clair de lune
En réalité !
 
Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four.
Un  nuage passe.
Tiens, le petit jour !
 
Dame souris trotte,
Rose dans les rayons bleus,
Dame souris trotte :
Debout, paresseux !
 
Autre
 
La cour se fleurit de souci
Comme le front
De tous ceux-ci
Qui vont en rond
En flageolant sur leur fémur
Débilité
Le long du mur
Fou de clarté.
 
Tournez, Samsons sans Dalila,
Sans Philistin,
Tournez bien la
Meule au destin.
Vaincu risible de la loi,
Mouds tour à tour
Ton cœur, ta foi
Et ton amour !
 
Ils vont ! et leurs pauvres souliers
Font un bruit sec,
Humiliés,
La pipe au bec.
Pas un mot ou bien le cachot,
Pas un soupir.
Il fait si chaud
Qu’on croit mourir.
 
J’en suis de ce cirque effaré,
Soumis d’ailleurs
Et préparé
A tous malheurs :
Et pourquoi si j’ai contristé
Ton vœu têtu,
Société,
Me choierais-tu ?
 
Allons, frères, bons vieux voleurs,
Doux vagabonds,
Filous en fleurs,
Mes chers, mes bons,
Fumons philosophiquement,
Promenons-nous
Paisiblement :
Rien faire est doux.
 
A la manière de Paul Verlaine
 
C’est à cause du clair de lune
Que j’assume ce masque nocturne
Et de Saturne penchant son urne
Et de ces lunes l’une après l’une.
 
Des romances sans paroles ont,
D’un accord discord ensemble et frais,
Agacé ce cœur fadasse exprès ;
O le son, le frisson qu’elles ont !
 
Il n’est pas que vous ayez fait grâce
A quelqu’un qui vous jetait l’offense :
Or, moi, je pardonne à mon enfance
Revenant fardée et non sans grâce.
 
Je pardonne à ce mensonge-là
En faveur, en somme, du plaisir
Très banal drôlement qu’un loisir
Douloureux un peu m’inocula.