…… Qu’importe qu’elle manque aux lois de Vaugelas
Pourvu qu’à la cuisine elle ne manque pas ?
J’aime bien mieux, pour moi, qu’en épluchant ses herbes
Elle accommode mal les noms avec les verbes,
Et redise cent fois un bas ou méchant mot,
Que de brûler ma viande, ou saler trop mon pot.
Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.
Vaugelas n’apprend point à bien faire un potage ;
Et Malherbe et Balzac, si savants en beaux mots,
En cuisine peut-être auraient été des sots.
….
…. C’est à vous que je parle, ma sœur.
Le moindre solécisme en parlant vous irrite ;
Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite.
Vos livres éternels ne me contente pas,
Et hors un gros Plutarque à mettre à mes rabats,
Vous devriez brûler tout ce meuble inutile,
Et laisser la science aux docteurs de la ville ;
M’ôter pour faire bien, du grenier de céans
Cette longue lunette à faire peur aux gens,
Et cent brimborions dont l’aspect importune ;
Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune,
Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous,
Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.
Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Former aux bonnes mœurs l’esprit de ses enfants,
Faire aller son ménage, avoir l’œil sur ses gens,
Et régler la dépense avec économie,
Doit être son étude et sa philosophie.
Nos pères sur ce point étaient gens bien sensés,
Qui disaient qu’une femme en sait toujours assez
Quand la capacité de son esprit se hausse
A connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse.
Les leurs ne lisaient point, mais elles vivaient bien.
Leurs ménages étaient tout leur docte entretien,
Et leurs livres, un dé, du fil et des aiguilles,
Dont elles travaillaient au trousseau de leurs filles.
Les femmes d’à présent sont bien loin de ces mœurs :
Elles veulent écrire et devenir auteurs.
Nulle science n’est pour elles trop profonde,
Et céans beaucoup plus qu’en aucun lieu du monde :
Les secrets les plus hauts s’y laissent concevoir,
Et l’on sait tout chez moi, hors ce qu’il faut savoir ;
On y sait comme vont lune, étoile polaire,
Vénus, Saturne et Mars, dont je n’ai point affaire ;
Et, dans ce vain savoir, qu’on va chercher si loin,
On ne sait comme va mon pot, dont j’ai besoin.
Mes gens à la science aspirent pour vous plaire
Et tous ne font rien moins que ce qu’ils ont à faire ;
Raisonner est l’emploi de toute ma maison,
Et le raisonnement en bannit la raison.
L’un me brûle mon rôt en lisant quelque histoire ;
L’autre rêve à des vers quand je demande à boire.
Enfin je vois par eux votre exemple suivi,
Et j’ai des serviteurs et ne suis point servi.
Une pauvre servante au moins m’était restée,
Qui de ce mauvais air n’était point affectée
Et voilà qu’on la chasse avec un grand fracas,
A cause qu’elle manque à parler Vaugelas.
Je vous le dis, ma sœur, tout ce train-là me blesse,
(Car c’est, comme j’ai dit, à vous que je m’adresse),
Je n’aime point céans tous vos gens à latin,
Et principalement ce Monsieur Trissotin :
C’est lui qui dans des vers vous a tympanisées ;
Tout les propos qu’il tient sont des billevesées ;
On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé,
Et je lui crois, pour moi, le timbre un peu fêlé.
……
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